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Une rencontre

Je suis arrivé dans cet endroit par hasard,  en déplacement, en tournée. Nouzonville, c'est une ville de six mille habitants dans les Ardennes, près de la frontière Belge, adossée au canal de la Meuse. C'est l'ancienne capitale du « royaume du fer ». J'avais bien vu qu'il y avait des bâtiments abandonnés, on ne peut pas les rater, ils font la moitié du village, mais je croyais, en
tout cas, ils donnaient l'impression d être abandonnés depuis une vingtaine d'années au moins.

 

Mon étonnement fut grand quand j'ai posé les premières questions au sujet de ce terrain, quand on m'a répondu que cela ne faisait que cinq, six ans que l'usine avait été fermée.


 

La blessure était donc toute fraîche, et, comme un candide, je passais de question en question.

En quelques heures, j'ai rencontré plusieurs personnes, qui avaient envie de raconter, qui me disaient que cela faisait longtemps, qu'on ne leur avait plus demandé de raconter, qu'ils n'y avaient plus pensé...

et que c'était bien d'en parler.

 

Les télés sont parties. La colère est toujours présente....

 

De nouvelles portes s'ouvraient avec chaque histoire, et derrière chaque anecdote se trouvait le destin de quelqu'un. Les récits devenaient shakespeariens!

 

Au milieu de la ville, il y avait un site industriel exceptionnel, une forge datant du début de l'industrialisation qui fabriquait des pièces de grande qualité pour l'industrie automobile.

Le bruit de cette forge fut le battement de coeur du village. Pendant longtemps...

 

En 2004, après des problèmes de trésorerie, cette forge a été confiée à un fond d'investissement américain. À deux personnes en fait. Dans un certain sens, on pensait que la région allait s'ouvrir au monde, qu'on allait se brancher sur le flux économique inépuisable de la mondialisation.
 

Eh bien, il s'avère que les deux personnes, les nouveaux responsables de la direction de l'usine, au lieu d'investir, ont par la suite pillé les biens et les brevets de la forge durant deux années. Pour un euro symbolique ils ont gagné plusieurs millions... et l'usine a dû fermer. Aujourd'hui, huit ans plus tard, il ne reste que des ruines. On se demande: Comment est-ce possible?

 

Je me suis rendu compte que je n'y connaissais absolument rien! Alors, je me suis mis en tête de me renseigner, de  connaître les rouages administratifs de l'attribution d'une usine à des escrocs par exemple!

Ça à l'air tellement simple! Comment ça marche? Juridiquement. Financièrement.

Il faut qu'on sache comment cela fonctionne, et je suis convaincu qu'il est bon d'étaler ces procédés sur une scène de théâtre, très près du public. Une sorte de théâtre documentaire. Je ne vais pas me concentrer sur la parole des ouvriers, je voudrais éviter tout misérabilisme, les difficultés des travailleurs et leurs familles vont apparaître naturellement avec le récit, mais je vais me concentrer sur les mécanismes des décisions soi-disant rationnelles et inévitables, mais qui sont pourtant des décisions faites par des humains...

On va se poser les questions ensemble... Comme des candides, comme des gens qui n'y comprennent rien; ce qui est vrai. Mais on va essayer de comprendre, et joyeusement s'il vous plaît, dans la tradition des cabarets politiques.

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